D'JAMENCY (Orbital
Space) - Mars 2005
Peux tu
nous raconter comment tu es tombé dans la musique électronique ?
Aie ! ça risque
de pas être simple car beaucoup d'années se sont écoulées depuis…
(rires !) Tout d'abord, je me suis toujours interressé à la musique
dans sa globalité. Dès mon plus jeune age j'ai participé à des formations
musicales pour maîtriser plusieurs instruments. Malgré cette formation
plutôt classique, cela m'a permis de mieux appréhender les bases
de la composition et aussi d'obtenir une oreille musicale plus éduquée.
C'est au début des années 90 que j'ai découvert l'univers de la
scène électronique. A cette époque, j'écoutais des radios libres
qui diffusaient des émissions orientées electro et je traînais dans
des clubs lyonnais (la Pyramide ou l'Hypnotik…) qui programmaient
des artistes électroniques de qualité tels que Oliver de Mental
Groove, Julien & Gonzague, Freddy J, Twins, tous le crew de la mythique
agence Tekmics)… Je participais également à de nombreuses raves
dans différents lieux (caveaux, châteaux, entrepôts et squat en
tout genre) en tant que teuffeur. C'est à cette période que je suis
véritablement tombé amoureux de ce milieu (le son, les djs, le public
divers et varié qui venaient pour la zic, les ambiances de folie…
:une véritable culture technoide s'installait !). Je n'avais jamais
connu ça auparavant, j'ai donc pris une vrai claque comme une sorte
de choc culturel et musical. Ces soirées amenaient un son différent,
une ambiance conviviale, un public intimiste car on finissait par
tous se connaître, des décos délirantes et des artistes qui développaient
positivement le métier de dj. J'ai donc commencer par acheter mes
1ères platines afin d'apprendre les subtilités du mix tout en continuant
à partager ma passion (la zic !) avec les gens durant les soirées.
Après plus de 2 ans d'entraînement assidu au mix avec des potes,
j'ai fini par vaincre ma timidité et j'ai donc commencé à mixer,
à partir de 94, dans des petites teufs de la région lyonnaise. Et
ce fut le début d'un long parcours musical pour moi… La " techno
" (dans sa généralité) s'est progressivement démocratisée et j'ai
fini par trouver ma place dans ce milieu en parvenant à vivre de
ma passion ce qui est, pour moi, un véritable privilège ! Pour +
d'infos, je vous invite à surfer quelques minutes sur mon site perso:
www.djamency.com :-)
Peux tu
nous présenter l'asso dont tu fais partie : Orbital Space ?
C'est une
assez longue histoire … Quand j'ai commencé à jouer, au début des
années 90, le mouvement électronique avait beaucoup de difficultés
à se démocratiser dans notre pays. J'ai donc voulu créer rapidement
une structure juridique officielle afin de regrouper différents
artistes et plusieurs passionnés et amis de la culture électro.
En 1994, nous avons donc fondé l'association Orbital Space qui est
devenue aujourd'hui une des asso les plus anciennes de la région
lyonnaise, je crois. Elle se partage en 3 activités :1/ l'organisation,
co-orga ou réalisation d'évènements qui nous permettra de faire
découvrir et de promotionner différents djs, live acts, Vjs, decorateurs,
infographistes …2/
l'agence de booking qui s'occupera de proposer les artistes de l'asso
aux différents acteurs de la scène techno et de faire l'intermédiaire
entre certains artistes nationaux ou étrangers et les organisateurs
et clubs. 3/ un secteur production qui permettra de créer un label
techno pour l'asso dans le futur et qui favorisera le travail des
artistes de l'asso pour composer des tracks en mettant à disposition
du matériel home studio compétent. De 1995 à 2002, Orbital Space
met surtout l'accent sur l'organisation de différentes soirées en
Rhône-Alpes mais aussi dans d'autres régions françaises. Cela nous
permettra d'inviter la plupart des artistes lyonnais, et bon nombre
de djs nationaux et internationaux. Cette période a beaucoup apporté
au niveau artistique à l'association et nous a laissé de magnifiques
souvenirs de teuf comme par exemples :- " la téléportation " et
la " orbital évolution " en 97 avec notamment Antony, Rykkk's, Ralph,
St Jean ,P.Moore… ;-les 2 " warped side " en 98 et 99 (+ de 1000
pers pour chaque édition)avec John Thomas, Laurent Ho, Miloch… ;-les
" Mystery " (Dijon) et Mental corporation (Lyon) avec Agoria, Miloch,
Tuttle, Boucles Etranges…- les 2 " digital forest " organisé en
2001 et 2002 (avec respectivement 2500 et 3500 pers)dans un ranch
sur 3 dancefloors en région marseillaise où se sont côtoyés beaucoup
d'artistes français et étrangers ;- et également de nombreuses autres
teufs qui n'ont pas toujours été un réel succès au niveau financier
mais toujours faites avec un soucis de qualité artistique…
A partir de
2003, nous mettons en pause pour un temps les organisations car
les acteurs de l'association ont chacun différents projets à aboutir.
Durant cette période, nous utilisons notre site Internet ( http://orbitalspace.free.fr
) pour continuer à promotionner les artistes Orbital Space et pour
faire le relais entre nous et les acteurs de la scène électro (clubs,
organisateurs, public, médias, djs …). Pour cette nouvelle année,
Orbital Space intègre de nouveaux membres actifs en son sein ce
qui permet de réactiver le secteur de l'organisation d'évènementiels
sur Lyon puis sur d'autres villes ensuite. Nous travaillons également
activement sur la création d'un nouveau label techno français. Je
peux déjà vous annoncer la mise en place de notre tout nouveau concept
électronique sur Lyon :les " Red Pepper " qui se dérouleront régulièrement
au Kao-Ninkasi et qui accueilleront des artistes de talent français
et étrangers accompagnés d'un Vj d'exception et d'une déco colorée
qui mettront le petit plus pour passer d'agréables soirées. La 1ère
édition aura donc lieu le samedi 2 avril 05 et nous aurons le bonheur
d'accueillir un pionnier de la scène techno américaine : Dj BONE
de Detroit. Cet excellent dj-producteur sera accompagné du talentueux
dj Tonio, des artistes Orbital Space et de Konik,un dj competent
issu de la scène dijonnaise. Rdv donc le 2 avril au Kao !!
Peux tu
nous faire partager des souvenirs de soirées sur Lyon ou sa région
qui t'ont marqué ?
Il y a pas
mal de soirées dans les années 90 qui m'ont laissé des souvenirs
intarissables. Il y a eu bien sur les fameuses soirées à la Halle
Tony Garnier en 93 et 95 qui nous ont tous marqués à vie, je pense,
avec des programmations musicales géniales. J'ai aussi un très bon
souvenir de la " Numesis ", je crois, qui avait eu lieu au transbordeur
où le son avait tourné jusqu'à midi, c'était vraiment magique malgré
les flics qui contrôlaient tout le monde autour du lieu … Et je
n'oublie pas non plus les soirées de Futuria Production qui rassemblaient
les meilleurs djs mondiaux (Garnier, Cox, Hawtin, Mills…) : je suis
d'ailleurs très heureux d'avoir pu jouer sur une des " Hexagona
". J'ai aussi en mémoire des teufs moins vastes que des asso lyonnaises
de l'époque (Bande Sonore, Pitch R…) ont organisées et qui ont été
de véritables succès. Mais j'ai également de nombreux évènements
dans le sud de la France qui m'ont marqués notamment les superbes
" Dragon Ball ", " Borealis " et " Euforia " (où j'ai eu le plaisir
de jouer sur la dernière édition)… Malheureusement, je me souviens
également d'un souvenir assez triste au niveau des soirées lyonnaises
: l'annulation de la " Polaris " en 96 à la halle Tony Garnier.
L'évènement était autorisé mais jusqu'à 1h du mat !! un vrai foutage
de gueule !! Cette histoire a provoqué un réel tollé au sein du
milieu techno sur Lyon.
Entre la fin
des années 90 et le début des années 2000, il y a eu de grosses
difficultés pour pouvoir organiser des soirées électro en France
du principalement à la diabolisation de ce mouvement diffusée notamment
par le gouvernement et les politiciens mais aussi par certains médias.
Certes, il ne faut pas être hypocrite car il y avait réellement
différents problèmes dans ce milieu, mais, malgré tout, beaucoup
d'acteurs de la scène techno continuaient à se battre pour créer
des évènements de manière professionnelle et malheureusement beaucoup
ont été découragés… Depuis plus de 2 ans, il y a de nouveau de nombreux
évènements lyonnais intéressants qui se déroulent en clubs ou ailleurs.
Pour de ce qui est des gros évents, nous sommes assez bien servis
entre les fameuses " Hypnotik " qui drainent autant de monde qu'a
la belle époque et le festival des Nuits Sonores qui devient une
référence internationale en tant que festival électronique français.
De plus, le milieu du clubbing lyonnais s'est nettement développé
et amélioré :plusieurs clubs se sont mis a proposer également des
plateaux electro de qualité. Pour une ville qui a la réputation
d'être assez froide et austère, je trouve que le scène techno se
porte assez bien.
Cela fait
une dizaine d'année que tu sillonnes les soirées, comment le " métier
" de djs a-t-il évolué ?
Avec plus
de dix ans d'expérience, ma vision du djing s'est développé et s'est
professionnalisée. Dans les année 80, le dj était plutôt considéré
comme un simple pousse-disque avec une image plutôt négative. La
culture rap et électro ont participé à redorer le blason du djing
:les technique de mix ont évolué et se sont affinées, les programmations
musicales se sont enrichies… Pour de ce qui est du mix, j'ai beaucoup
appris sur le tas avec des amis qui étaient déjà djs. Je bossais
comme un fou sur mes platines, multipliant les séances de mix avec
des potes issu du hip hop ou de la techno. J'ai beaucoup appris
notamment au niveau technique mais j'ai aussi compris ce que signifiait
la patience, le perfectionnisme et la persévérance. Je crois qu'il
ne faut pas être trop pressé, ne pas griller les étapes, et il n'y
a rien de plus important que les années d'expériences qui enrichissent
notre mix techniquement et musicalement. Moi, je suis plutôt issu
de la scène rave, j'ai donc vite pris l'habitude de me déplacer
un peu partout pour assouvir ma passion de dj. A cette époque, je
n'avais pas vraiment l'envie d'être résident d'un club, je préférais
travailler en freelance ce qui me permettait de découvrir la scène
électronique au niveau national et de rencontrer différents acteurs
du milieu. Puis progressivement, le djing est réellement devenu
mon métier professionnel, donc à partir de là, il y a un certain
niveau de qualité que l'on doit absolument afficher à chaque prestation
sur scène. En tout cas il y a un leitmotiv qui restera, je pense,
toujours d'actualité :le dj est là avant tout pour faire danser
le public devant lui. Peu importe le son que l'on diffuse, à partir
du moment où l'on fait transpirer son dancefloor et que les gens
ressortent de ton set avec la banane, c'est gagné !
Le plus important
est l'avis du public qui est primordial pour le dj. La grosse évolution
dans le monde du djing, ces derniers années, est que le secteur
de la production est devenue maintenant une complémentarité pour
pouvoir s'exporter notamment a l'étranger. Mais attention, un producteur
ne sera pas forcement un bon dj et inversement. Ces 2 activités
sont 2 métiers complémentaires dans la musique mais ils restent
très différents. Qui n'a jamais été déçu par 1 producteur très talentueux
et qui ne donne rien en dj-set sur scène devant un floor… Le set
d'un dj ne dure que 2h00 environ pendant une soirée, à un moment
précis et on doit communiquer notre énergie et notre passion au
dancefloor, cela demande un échange fusionnel avec son public. Un
mix reste éphémère et rattaché à une soirée précise, je pense, et
c'est ça qui est beau d'ailleurs ! Quand on compose un track dans
son studio c'est vraiment un travail différent. On peut passer plusieurs
jours à travailler sur les mêmes sons afin d'arriver au but que
l'on s'est fixé… C'est un délire plus personnel et méticuleux et
on laisse véritablement une trace musicale de son travail. Le plaisir
que l'on a lorsqu'on a fini un morceau se déguste seul ou avec quelques
amis, ce qui est l'inverse d'un mix où l'on partage notre bonheur
en temps réel avec le public.
Tu te lances
en 2005 dans la production et la création de labels…peut-on en savoir
plus ?
La production
est devenue maintenant, je crois, une complémentarité positive pour
un dj. Depuis environ 3 ans, j'ai donc commencé à m'acheter du matos
pour me constituer un home studio chez moi. J'ai ensuite travaillé
quotidiennement sur mes machines afin de les maîtriser techniquement.
C'est comme pour le djing, lorsqu'on franchit les difficultés liées
à la manipulation technique, on peut réellement se lâcher au niveau
créativité musicale. Bien sur, comme dans le mix, je continue à
apprendre des choses au fil du temps et des rencontres artistiques
que je fais… J'ai sorti un premier vinyl (techno, hardtek) en 2002
sur un label indépendant Syntone rec (basé sur Bourg en B) qui s'est
bien vendu surtout dans les pays nordiques (Allemagne, Belgique,
Hollande). Malheureusement ce label est pour l'instant mis en sommeil
suite à la fermeture du distributeur (Kubik, Lyon) avec qui ils
travaillaient (et un de plus qui ferme…). Cette fermeture m'a attristé
car nous avions sur Lyon, un des plus gros distributeurs français
et maintenant cela fait un grand vide… J'ai également composé un
track teckhouse pour la double compilation promotionnelle des soirées
" HypnotiK " organisées par Elektro System. Depuis 3 ans, je bosse
également avec plusieurs sociétés audio-visuelles pour lesquelles
je produis des musiques pour des pubs, courts-métrages, films de
sociétés et même de l'habillage sonore. Ce travail m'apporte beaucoup
car il me permet de travailler à fond sur mon matos, de me rembourser
financierement mon home-studio (ce qui n'est pas négligeable…) et
aussi d'élargir ma culture musicale en composant dans différents
styles musicaux :ambient, electro-breakbeat, house, jungle ou triphop…
et c'est vraiment sympa !
Cette activité
a été riche en enseignement pour moi. Aujourd'hui, je travaille
sur plusieurs projets musicaux notamment en tekhouse et en techno.
De nombreux tracks sont déjà prêt et des maquettes sont en train
d'être distribuées à plusieurs labels. J'espère qu'il y aura des
retours positifs même si la conjoncture actuelle n'est pas en faveur
des artistes qui sont à la recherche de producteurs… Je travaille
également sur la création d'un label techno avec l'association Orbital
Space. Cela nous permettra de presser différents tracks des artistes
de l'asso et aussi de signer des producteurs français et étranger
sur le label. Il est vrai que l'industrie est un peu au creux de
la vague pour l'instant. Beaucoup de distributeurs et de petites
labels indépendants en ont fait les frais malheureusement. Mais
avec du travail et de la persévérance, notre projet devrait pouvoir
aboutir dans le courant de l'année 2005.
Enfin,
dans quels pays, endroits, soirées aimerais tu mixer ?
Actuellement,
j'ai déjà la chance de pouvoir aller m'exprimer dans plusieurs pays
voisins tels que l'Allemagne, l'Espagne ou la Suisse (où j'ai d'ailleurs
une agence de booking " Eject Management ": www.eject.ch qui s'occupe
très bien de moi)... La techno est déjà très bien implantée dans
ces pays et leurs dancefloors sont souvent composés d'un public
averti ayant une assez bonne culture musicale : donc que du bonheur
pour moi sur scène ! :-) Mais je ne veux pas en rester là, j'aimerai
également pouvoir jouer dans de nombreux pays où la scène électronique
est en plein essor comme par exemple certains pays latins (Portugal,
Brésil, Mexique…) mais aussi dans les pays de l'est … Il y a aussi
de nombreux festivals (Sonar, I love Techno, Time Warp, Electrogaia,
Dance Valley…) et plusieurs clubs mythiques où j'aimerai participer
en tant qu'artiste un peu partout en Europe. J'espère que tous ces
rêves se réaliseront un jour ou l'autre :je mettrai tout en œuvre
pour parvenir à mes buts. L'essentiel pour moi étant de continuer
à vivre de ma passion et de prendre toujours plus de plaisir avec
le public : peu m'importe le lieu, le pays, tant que les gens sont
présents et qu'ils s'éclatent … c'est primordial !! :-)
Merci,
et longue vie a Lyon Electronik !!
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