SYMBIOZE (Electroclust)
- Juin 2003
1/ Peux tu
te présenter et nous dire quel a été ton parcours dans la musique
électronique ?
Mon
parcours dans la musique électronique est assez diversifié puisque
je ne me suis consacré sérieusement aux platines et à la compos
que depuis 4 ans. Tout a commencé en fait en 1988 lorsque, lors
d'un séjour scolaire en Allemagne, j'ai eu la surprise de croiser
une bande de déjantés qui écoutait de l'acid house et de la new
beat et qui portait des smileys jaunes sur leurs vêtements. Depuis
ce moment là, j'ai vraiment été attiré par la musique électronique
dansante, que l'on peut regrouper sous le terme générique "techno".
Afin de diffuser cette musique dans ma région, j'ai animé et dirigé
une émission sur une radio locale de 1992 à 1997 qui s'appelait
Technodream (preuve en est le site internet innefaçable : http://wwwusers.imaginet.fr/~chaussen/).
Cela m'a permis pendant ces 5 années de découvrir la culture électronique,
avec ces différents sons (House, Drum&Bass, Trance, Techno,
Hardtechno, Hardcore..) mais aussi ces artistes et tous les acteurs
passionnés qui gravitait autour de ce milieu (Agoria était par exemple
venu mixer à l'antenne alors qu'il était encore étudiant...). J'ai
pris beaucoup de plaisir pendant cette période à rencontrer des
tas de gens passionnés. J'ai même organisé vers la fin une soirée
au Space, à l'époque ou celui-ci avait une vraie identité techno
dans la région. A l'époque, il n'y avait pas les clivages musicales
existant aujourd'hui, les "raves" proposait de la House, de l'Ambient,
de la Techno, du Hardcore... tout ça dans la même soirée, et l'ambiance
était vraiment conviviale car les espaces de diffusion étaient vraiment
bien aménagés dans des lieux de folie.
En
1998, je suis parti pour l'Angleterre terminer mes études pendant
2 ans. Là bas, j'ai fait mes premières expérimentations avec les
synthés et ordinateurs en composition... mais c'était plus du bruit
que de la musique ! En fait, j'ai surtout fait la fête et découvert
la Club Culture avec un grand C, car dans ce pays les raves sont
interdites (Criminal Justice Act). Cela m'a ouvert sur des sons
très pointus notamment en trance progressive ou drum & bass,
avec des clubs gigantesques ou tout le monde était vraiment en symbiose
(;-). J'ai aussi pû apprécier de grands DJ's techno comme Surgeon,
CJ Bolland ou Sven Vath dans des lieux intimistes pour des mixs
de plusieurs heures.
A
mon retour, je devais assouvir cette passion pour la musique et
après une annulation de soirée qu'on devait organiser avec des amis,
nous avons décider de créer avec DJ No, CLUST, structure non officielle
qui nous permettrait d'organiser des teufs à notre manière. C'est
ce que l'on a fait pendant un an, on s'est d'ailleurs pas mal fait
plaisir à investir des coins de bois (en demandant l'autorisation
au propriétaire) et à poser du son pour des événements conviviaux.
Mais on voulait aussi proposer au public des soirées de plus grosse
envergure, et à deux c'est chose impossible. C'est pourquoi, nous
avons réuni autour d'une association officiellement déclarée : Electro
CLUST, une dizaine de membres actifs, passionnés et amis avant tout
avec qui nous partageons les mêmes valeurs de la musique électronique
et les mêmes objectifs.
2/
Peux tu nous présenter également l'association electroclust ?
Electro
CLUST aujourd'hui comporte une quinzaine de membres actifs, un bureau
(composé de 2 demoiselles silvouplait) et nous avons des réunions
tous les mois environs. Nous définissons les objectifs chaque année
avant l'assemblée générale afin que tout le monde se concentre autour
des mêmes préocupations. Pour le moment, nos trois objectifs sont
:
+
L'organisation d'un événement festif et culturel (mini-festival)
dans un lieu atypique. Nous avons approché ce concept avec nos deux
derniers événements Diffraction et Electrochrome les années précédentes
qui se déroulaient au Pezner, une salle alternative qui était bien
mortelle ! (mais fermée, une de plus...). On souhaiterait concilier
des espaces d'expositions avec des espaces plus dancefloor, ainsi
que des tranches horaires en journée avec des sons plus expérimentaux
et une grosse teuf le soir. Le gros problème est vraiment de trouver
le lieu, car il est rare que les propriétaires se mouillent pour
louer des espaces non adaptés pour ce type d'événements. Pourtant
on commence vraiment à en connaitre un rayon, niveau sécurité notamment,
et notre structure est prête à aménager et sécuriser de façon provisoire
un lieu atypique (hangard, cave) pour qu'il puisse accueillir du
public. De plus, même un lieu comme la sucrière, qu'on commence
à connaitre et qui a vraiment une personnalité forte, est vraiment
soumis à des influences politiques qui nous mettent pas mal en rage...
+
La promotion des musiques électroniques à travers : - Notre site
internet : http://www.electroclust.com, ou on peut trouver des articles
concernant les sorties CDs, Vinyls, les comptes rendus de teufs,
des photos reportages (ou il n'y a pas que des nanas aux gros nichons...)
- Des minis soirées dans les bars ou lieux ayant une certaine ouverture
aux musiques actuelles (Coiffeur comme Profil's, des bars, des lieux
d'expositions). Cela permet de faire découvrir notre musique à un
public pas forcément très averti. Nous nous refusons à organiser
des événements dans des discothèques traditionnelles, car ce milieu
respire pas mal le fric et ne correspond pas vraiment à nos valeurs.
Certains lieux comme le Monde a l'Envers, où nous avions une résidence
régulière, nous permettait d'organiser des événements conviviaux
de qualité avec une équipe qui nous soutenait et comprenait nos
engagements (merci à Lionel et Gregg), malheureusement c'est un
lieu de plus quasiment fermé à Lyon.
+
L'agence de Booking, comprenant aujourd'hui 4 DJ's, 1 VJ's et 1
infographiste. Notre agence est de type associative, c'est à dire
que les artistes reversent l'intégralité de leur cachets à l'association
(nous facturons les organisateurs) et sont considérés avant tout
comme des bénévoles qui se bougent le cul dans l'association. En
échange, nous leur trouvons des plans pour jouer, nous assurons
l'envois de CDs promotionnels, nous les aidons à construire leur
image. De plus, l'association est aussi avant tout un vivier d'inspiration
pour tous les artistes, car elle est composée de profils assez différents
comme des gens qui viennent plus du milieu free, ou trance. C'est
ce mélange qui fait d'Electro CLUST un bouillonement artistique
et qui apporte une ouverture d'esprit sur toutes les musiques électroniques
pointues. Nous recevons d'ailleurs beaucoup de démos de DJ's mixant
différents styles, et nous essayons de les écouter attentivement
pour au moins leur donner notre avis (même si parfois cela prends
quelques mois, désolé à ceux qui n'ont pas encore eu de réponse...).
Malheureusement, nous essayons vraiment d'organiser des événements
de qualité, qui reste donc rare dans l'année... et la proportion
de DJ's par rapport au nombre de soirées que l'on organise est bien
trop supérieure...
3/
Peux tu nous faire partager des souvenirs de soirées ou de teufs
sur Lyon et sa région qui t'ont marqué ?
Bien
sûr, mais il y en a tellement ! Je me souviens des soirées organisées
par Bande Sonore vers 1994, dans des hangards, où tous les styles
de musiques étaient représentés : Ambient dans un mortel chill out,
house, techno, hardcore, trance... tout était mélangé et c'est ce
qui faisait cette union !
Il
y a aussi cette free (pas tribe à l'époque, et la population qui
fréquentait ces fêtes n'avait aucune mode particulière, pas de chiens,
pas de kakis... tout le monde venait comme il le voulait) qui se
déroulait sous un pont d'autoroute de miribel jonage avec du très
bon son, ou on a vu débarquer des centaines de gendarmes qui ont
embarqués les DJ's, les organisateurs... Le pire c'est qu'on s'est
retrouvé dans le camion aussi, car j'avais le malheur de faire un
reportage (pour la radio) sur la teuf... ça s'est bien terminé,
mais on avait quand même les boules !
Sinon,
il y a bien sûr la teuf qui nous avons organisé avec DJ No dans
les bois de l'Ouest Lyonnais... Anthony (de Paris Techno) et Assina
nous avaient donné un sacré coup de main d'ailleurs ! Elle regroupait
peut-être 100-120 personnes, mais tout le monde avait le sourire
malgré la pluie, et les merguez en ont réchauffés plus d'un... bref,
un moment inoubliable !
4/
Dans quels pays, endroits, soirées, aimerais tu mixer ?
Ouhla,
plein de pays, plein de soirées ! D'abord, Sonar, mon rêve, proposer
un petit set minimal en pleine journée sur SonarLab... miam ! Ensuite
forcément Berlin, les clubs y sont démesurés et les Allemands ont
vraiment compris ce qu'était la culture électronique. Pour les pays,
plein de culture m'attire, les pays de l'est, l'islande, l'asie,
les etats-unis (rêvons un peu...), et mixer là bas serait vraiment
le pied !
Sinon
le pays m'importe en fait peu... j'ai fait de très bonnes soirées
sur la région, ou à Nancy par exemple... le principal c'est avant
tout que les organisateurs aient mis le paquet (pas forcément en
terme de moyens financiers, mais surtout en terme d'investissements
personnels...) et qu'ils arrivent à créer quelquechose entre leur
public et le son qu'ils proposent. Les relations humaines sont bien
plus importantes pour moi que le nombre de teuffeurs sur le Dancefloor...
je préfère largement 100 personnes qui ont la banane et qui comprennent
le message musical que je veux leur faire passer que 5000 blaireaux
parqués comme des bêtes à dansouiller comme tout le monde.
5/
Que penses tu de la scène électronique lyonnaise ?
La
scène électronique lyonnaise a été meutrie. Je m'explique...
Depuis
maintenant quasiment 15 ans j'ai vu évoluer cette scène localement
et je peux dire que tous les acteurs ont soufferts d'une répression
réelle pendant des années. Cela s'améliore, heureusement, mais on
en garde encore les traces et les souvenirs.
Pour
faire un peu d'histoire, l'annulation de la Polaris à la halle tony
garnier en 1996 en est le plus bel exemple. Une soirée organisée
par des professionnels du spectacle et les pingouins de montpellier
qui n'aura l'autorisation que jusqu'à 1h du matin 4 jours avant
la date ! Pourquoi ? Simplement par pression politique et le milieu
des discothèque de la région Lyonnaise... J'ai encore des images
de Christophe Lyard (Futuria Production), sur le plateau de TLM
suite à cette histoire, demander haut et fort à l'adjoint au maire
et à la sécurité "Mais laisser nous travailler bon sang !". Bref,
cette événement a été annulé purement et simplement et il n'y avait
pas eu de soirée electronique pointue dans cette salle jusqu'au
nuits sonores...
Ce
passé est lourd à porter, et certains artistes, organisateurs de
cette époque ont été dégoûtés de tout ça... Cela a considérablement
altéré la vision de Lyon dans les autres régions et pays. Les grands
DJ's ne voulaient purement et simplement plus mettre les pieds à
Lyon ! De plus, on a perdu pas mal de bons artistes comme Alex K
par exemple, qui venait d'Annecy. Heureusement certains se sont
accrochés comme Marc Twins (UMF / Weaked) et ont vraiment du courage
de toujours continuer pour la musique.
Heureusement
il y a de nombreux passionnés qui ont connus le mouvement après
cette période, et qui aujourd'hui se bougent bien sur la région.
6/
Tu as vécu le festival des Nuits Sonores de l'intérieur, quelles
en sont tes impressions ?
Cela
faisait longtemps que j'attendais ça ! Voir une telle ambiance et
surtout entendre du bon son dans des lieux comme la rue (arbre sec),
le musée d'Art Contemporain ou la Halle Tony Garnier m'a vraiment
touché au coeur...
De
plus l'organisation était professionnelle en générale et tout s'est
à peu près bien déroulée, même si par exemple le problème technique
pour Ellen Allien pendant 3/4 d'heure au transbo et la sécu (du
transbo toujours) complètement bornée étaient des éléments inadmissibles
dans un festival de cette envergure. Mais c'est une première édition
!
Une
chose aussi que j'ai apprécié, c'est l'investissement de lieux atypiques...
(Sucrières, Rue de l'arbre sec...) et l'école d'Archi a réussi son
coup au musée d'Art contemporain, même si les mixs n'étaient pas
ma tasse de thé. J'encourage d'ailleurs les organisateurs à vraiment
se concentrer sur les lieux alternatifs, plutôt que de tomber dans
la facilité des salles de concerts. Je sais que ce n'est pas très
facile à sécuriser, mais ça apporte vraiment une autre atmosphère
d'être dans des lieux qui ne sont pas des lieux de fête au départ.
Concernant le public, j'ai vraiment été étonné par les sourires
et l'ambiance très joyeuse des festivaliers... Pourvu que ça dure
!
Enfin,
c'est vrai que sur le fond ce festival est une très bonne idée,
mais sur la forme, il a un peu été organisé à la va vite et surtout
sans réelle consultation des acteurs locaux qui se bougent les fesses
toute l'année pour faire vivre les musiques actuelles sur Lyon (mission
musique de Lyon, associations comme Jarring Effect...). Bref, une
implication plus approfondie des artistes locaux et des acteurs
dans ce festival aurait été préfèrable. De plus, il est dommage
que des mouvements comme la trance ou le hardcore n'aient pas été
représentés, ils font aussi parti de la culture électronique. D'ailleurs,
plus globalement, il y a une vraie question de fond sur l'existence
d'un tel festival dans notre ville, et une politique sur l'année
plus que réduite par rapport aux musiques électroniques (aucun soutien
pour les problèmes rencontrés par des établissements comme le Monde
à L'envers par exemple, et budget réduit de la mission musique qui
ne peut qu'aider des structures comme la notre que dans le cadre
de la fête de la musique...).
7/
Aujourd'hui tu te tournes vers la production ( Attractive ep sur
cryogen-records), c'est le futur pour toi ? et as tu d'autres projets
?
La
production, c'est vraiment un aspect différent de la musique. Mixer
dans une soirée demande énormément d'énergie, j'essaye de communiquer
cette énergie au public. En mixant, je me fait toujours plaisir,
et si j'arrive à communiquer ça au gens sur le dancefloor, c'est
gagné !
En
studio, quand tu composes un morceau, c'est à l'opposé du mix, car
il est nécessaire de passer des heures et des heures sur quelques
minutes de musique... C'est très personnel, intimiste... Il n'y
a pas la dynamique du mix, car chaque piste doit être manipulée,
travaillée pour qu'elle sonne comme on le veut. Je trouve que c'est
très complémentaire au mix, et cela permet vraiment une création
personnelle...
Le
truc sympa, c'est d'essayer différents styles musicaux... et de
voir que rien n'est vraiment facile à produire, à part peut-être
de la dance... (pour les mélodies à 0,20 euros rapidement trouvées
sur le synthé). Mais chaque exploration musicale est riche en enseignement
et si parfois en ne partant de pas grand chose, on commence à construire
une base qui a du sens, ça peut donner un bon morceau ! Je ne cherche
pas à tout prix à sortir des maxis non plus... je produis tranquillement
à la maison le son que j'aime, et j'envois de temps en temps à des
labels comme Cryogen-Records. Quand ça marche et qu'en plus les
gens du label sont cools, c'est le pied ! Mais je n'essaye pas de
sortir des morceaux à tout prix... je vais à mon rythme (avec un
boulot à côté !) et j'essaye de conserver cette part de plaisir
avec la musique et les gens qui gravitent autour.
Pour
les prochaines sorties, rien de confirmer, mais comme beaucoup j'ai
des contacts interessés... et rien n'est facile dans la production
techno, donc je préfère ne rien annoncer. Pour ceux qui désireraient
écouter quelques unes des mes productions non distribuées et découvrir
un peu plus mon univers, je les invite à visiter mon petit site
internet : http://symbioze.electroclust.com , n'hésitez pas à laisser
un message sur le forum, c'est fait pour ça !
Symbioze,
merci !!!
Merci
à toi et longue vie à Lyon Elektronik !
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